jueves, agosto 09, 2012

Valery Larbaud / Imágenes





                                 
I
Un día, en Jarkov, en un barrio popular
(¡oh esa Rusia meridional, donde todas las mujeres,
con el chal blanco cubriéndoles la cabeza, tienen aires de madona!),
vi a una joven que volvía de la fuente,
llevando, según la moda que tienen allí, como en tiempos de Ovidio,
dos baldes suspendidos de los extremos de un madero
en equilibrio sobre el cuello y los hombros.
Y vi que un niño harapiento se acercó a ella y le habló.
Entonces, inclinando amablemente su cuerpo a la derecha,
ella hizo que el balde lleno de agua pura tocara el empedrado
a nivel de los labios del niño que se había puesto de rodillas para beber.


II
Una mañana, en Rotterdam, en el muelle de los Boompjes
(era el 18 de septiembre de 1900, hacia las ocho),
observaba yo a dos muchachas que iban a sus talleres
y, frente a uno de los grandes puentes de hierro, se dijeron hasta luego,
porque sus caminos eran diferentes.
Se besaron tiernamente; sus manos temblorosas
querían y no querían separarse; sus bocas
se alejaban dolorosamente para acercarse nuevamente
mientras que sus ojos fijos se contemplaban…
Así permanecieron un largo momento muy juntas,
de pie e inmóviles en medio de los atareados transeúntes,
mientras retumbaban los remolcadores en el río
y los trenes maniobraban silbando en los puentes de hierro.


III
Entre Córdoba y Sevilla
hay una pequeña estación en la cual, sin razón aparente,
El Expreso del Sud se detiene siempre.
En vano busca el viajero un pueblo con la mirada
más allá de esa pequeña estación dormida bajo los eucaliptos.
Sólo ve la campiña andaluza: verde y dorada.
Sin embargo, cruzando la vía, enfrente,
hay una choza hecha con ramajes ennegrecidos y tierra.
Y, al ruido del tren, sale de ella un chiquillerío harapiento.
Los precede la hermana mayor, quien avanza hasta el borde del andén
y, sin decir palabra, pero sonriendo, baila para que le den monedas.
Sus pies en el polvo parecen negros;
su rostro oscuro y sucio carece de belleza;
baila, y por los anchos agujeros de su pollera de color ceniciento
se ve cómo se agitan, desnudos, sus muslos flacos
y cómo rueda su pequeño vientre amarillo;
y cada vez, por eso, algunos señores se ríen burlándose,
en el olor de los cigarros, en el vagón restorán…


POST DATA

Oh, Dios mío, ¿me será posible alguna vez
conocer a esa dulce mujer de Rusia Menor
y a esas dos amigas de Rotterdam
y a la pequeña mendiga de Andalucía
y unirme a ellas
con una indisoluble amistad?
(Ah, ellas no leerán estos poemas,
no sabrán ni mi nombre ni la ternura de mi corazón;
y sin embargo ellas existen, viven ahora )
¿Será posible que alguna vez me sea dada la gran dicha
de conocerlas?
Porque no sé por qué, Dios mío, me parece que con ellas cuatro
¡podría conquistar un mundo!

Valery Larbaud (Vichy, Francia, 1881-1957), Les Poésies de A.O. Barnabooth [1913]. Gallimard, París, 1966
Traducción de Rubén Reches


Images

I
(O cette Russie méridionale, oü toutes les femmes
Avec leur chale blanc sur la tête, ont des airs de Madone!)
Je vis une jeune femme revenir de la fontaine
Portant, a la mode de la-bas, comme du temps d'Ovide,
Deux seaux suspendus aux extrémités d'un bois 
   en équilibre sur le cou et les épaules.
Et je vis un enfant en haillons s'approcher d'elle et lui parler.
Alors, inclinant aimablement son corps a droite,
Elle fit en sorte que le seau plein d'eau pure touchatle pavé
Au niveau des lèvres de l'enfant qui s'étais mis a genoux pour boire.

II
Un matin, a Rotterdam, sur le quai des Boompjes,
(C'était le 18 septembre 1900, vers huit heures),
J'observais deux jeunes filles qui se rendaient a leurs ateliers;
Et en face d'un des grands ponts de fer, elles se dirent au revoir,
Leurs routes n'étant pas les mêmes.
Elles s'embrassèrent tendrement; leurs mains tremblantes
Voulaient et ne voulaient pas se séparer; leurs bouches
S'éloignaient douloureusement pour se rapprocher aussitót
Tandis que leurs yeux fixes se contemplaient...
Ainsi elles se tinrent un long moment tout prés l'une de l'autre,
Debout et immobiles au milieu des passants affaires,
Tandis que les remorqueurs grondaient sur le fleuve,
Et que des trains manceuvraient en sifflant sur les ponts de fer.

III
Entre Cordoue et Seville
Est une petite station, oü, sans raisons apparentes,
Le Sud-Express s'arrête tou jours.
En vain le voyageur cherche des yeux un village
Au-dela de cette petite gare endormie sous les eucalyptus:
II ne voit que la campagne andalouse: verte et dorée.
Pourtant, de l'autre cóté de la voie, en face,
II y a une hutte faite de branchages noircis et de terre.
Et au bruit du train une marmaille loqueteuse en sort.
La soeur ainée les precede, et s'avance tout prés sur le quai
Et, sans dire un mot, mais en souriant,
Elle danse pour avoir des sous.
Ses pieds dans la poussière paraissent noirs;
Son visage obscur et sale est sans beauté;
Elle danse, et par les larges trous de sa jupe cou leur de cendre,
On voit, nues, s'agiter ses cuisses maigres,
Et rouler son petit ventre jaune;
Et chaque fois, pour cela, quelques messieurs ricanent,
Dans l'odeur des cigares, au wagon-restaurant... 


Post-Scriptum

O mon Dieu, ne sera-t-il jamais possible
Que je connaisse cette douce femme, la-bas, en Petite-Russie,
Et ces deux amies de Rotterdam,
Et la jeune mendiante d'Andalousie
Et que je me lie avec elles
D'une indissoluble amitié?
(Hélas, elles ne liront pas ces poëmes,
Elles ne sauront ni mon nom, ni la tendresse de mon coeur;
Et pourtant elles existent, elles vivent maitttenant.)
Ne sera-t-il jamais possible que cette grande joie me soit donnée,
De les connaitre?
Car, je ne sais pourquoi, mon Dieu, il me semble
   qu'avec elles quatre,
Je pourrais conquérir un monde!

Ilustración: Llegada de un tren suburbano a París, 1915, Gino Severini

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